A propos

Au carrefour d’expansions bantu : les communautés riverains du bassin Congo au présent et au passé, d’un point de vue linguistique, anthropologique et archéologique.

Le Bassin Congo oriental est magnifiquement divers sur le plan culturel, accueillant des peuples avec identités ethniques complexes, pratiquant des stratégies de subsistance complémentaires et parlant des langues appartenant aux multiples groupes linguistiques de souche bantu, ubanguienne ou soudanique centrale.

L’histoire de la région doit être fascinante. D’où viennent ces peuples ? Quand est-ce qu’ils rentraient en contact ? Quels types d’échanges ont eu lieu entre eux ?

Désormais, peu de chercheurs se sont rendus au passé lointain de la région autour de Kisangani. Le projet BANTURIVERS prend à bord une équipe multidisciplinaire pour rechercher l’histoire de peuplement de la région. Et vu que l’agriculture est compliquée en contexte de forêt équatoriale, BANTURIVERS se concentre également sur le rôle des rivières, comme sentiers en forêt ainsi que comme sources abondantes de protéines (poissons).

Linguistique

Se basant sur des mots, sons et morphèmes contemporains comme clefs au passé, les linguistes étudient les origines et itinéraires des premières communautés linguistiques dans le Bassin Congo oriental, les échanges entre les diverses communautés, et leur développement de et spécialisation en techniques de pêche et de navigation.

Anthropologie

On ne peut pas saisir le passé si on ne comprend pas le présent. Voilà pourquoi les anthropologues feront des recherches sur l’usage actuel des rivières du Bassin Congo, c.-à-d. les techniques de pêche et de navigation, le rôle des pêcheurs dans des réseaux commerciaux régionaux, et le monde symbolique de la vie au bord du fleuve.

Archéologie

Les archéologues feront la collection de données contemporaines et anciennes. Des interviews avec des potières, souvent des femmes des communautés de pêcheurs, donneront des informations sur les techniques de poterie et des réseaux. Des preuves directes de culture matérielle passée sont livrées par des fouilles pionnières au long du fleuve Congo et ses tributaires entre Bumba et Kindu

BANTURIVERS: Que dit le nom?

BANTURIVERS explore un épisode inconnu de l’expansion BANTU du point de vue d’une stratégie de subsistance dont l’histoire a été rarement étudiée : l’exploitation des RIVIERES. Le projet se situe au Bassin Congo oriental, un carrefour linguistique et culturel.

Le passé précolonial de l’Afrique centrale est similaire à la forêt équatoriale qui s’y trouve au cœur : à première vue, l’histoire lointaine de la région semble impénétrable suite à l’absence de sources écrites qui datent d’avant les contacts avec Européens et Arabes, et suite aux conditions environnementales qui compliquent les recherches archéologiques. Désormais, comme les rivières qui rendent la forêt accessible, certaines méthodologies permettent aux chercheurs d’entrer dans le passé et de découvrir plus en plus de morceaux d’une histoire extrêmement diversifiée et stratifiée. Plusieurs linguistes, archéologues, historiens, généticiens, paléo-environnementalistes, et des chercheurs d’autres disciplines sont impliqués dans les recherches sur « l’expansion bantu ». Le terme réfère à la question comment un groupe linguistique énorme (entre 400 et 600 langues), en fait seulement un sous-groupe du phylum Niger-Congo, s’est répandu sur la moitié du continent (du Cameroun au sud de Somalie et à l’Afrique du Sud) dans un délai tellement court (quelques millénaires). Cette diffusion était probablement liée aux migrations humaines, même si d’autres types de diffusion linguistique, comme la conversion linguistique, y jouaient également un rôle.

Beaucoup de recherches multidisciplinaires sur l’expansion bantu se concentrent sur les diffusions initiales des premières communautés bantu, en proposant des routes qui contournent la forêt équatoriale. Les premiers peuples bantuphones auraient été des agriculteurs, au moins l’agriculture faisait partie de leur subsistance, donc ils favorisaient des savanes. Quand des changements climatiques ouvraient la forêt, les peuples bantu pourraient s’établir dans les savanes côtières du Cameroun central et du Gabon aux environs de 4000 BP. A environ 2500 BP, le « Savannah Corridor » au long de la rivière Sangha a permis aux « agriculteurs bantu » de migrer vers le sud, contournant ainsi le forêt jusqu’aux savanes australes (p.ex. Bostoen et al. 2015). Désormais, à un certain moment, le climat changeait à nouveau et la forêt reprenait forme. Ceci ne résultait pas dans une division entre les communautés bantu au nord et au sud de la forêt. Au contraire, des locuteurs bantu se rendaient en forêt et leurs langues forment actuellement le groupe linguistique dominant en forêt équatoriale de l’Afrique centrale. Vu que l’agriculture est problématique en forêt équatoriale, qu’est-ce qui a facilité aux communautés bantu de s’y établir ?

Vansina (1990) attribue un rôle majeur à l’introduction des bananes plantains. Néanmoins, plantains et tubercules, les féculents en forêt équatoriale, sont faibles en protéines. Comme l’élevage de bétail est limité en conditions tropicales, l’agriculture doit être complémentée par des techniques de collecte, p.ex. la chasse, la collecte de chenilles et la pêche. L’Afrique centrale n’est pas seulement « verte » sur les cartes satellites. Un réseau dense de rivières scintille partout dans la forêt équatoriale. Grâce à ses nombreux tributaires, le fleuve Congo a le débit des eaux second au monde, après l’Amazone. Vansina suggère que les rivières du Bassin Congo ont agi comme « sentiers » en forêt. Effectivement, des larges parties du fleuve Congo et des tributaires majeures sont navigables et sont aujourd’hui souvent les meilleurs chemins pour se transporter dans la région. Les premières preuves archéologiques confirment qu’une migration rapide au long du fleuve peut expliquer le peuplement de la région entre le Pool Malebo et Kisangani (Wotzka 1995; Livingstone-Smith et al. 2016). Il est probable que cette diffusion prompte était liée à une dépendance augmentée aux produits aquatiques. BANTURIVERS se focalise donc sur le côté rivière de l’histoire : les rivières comme chemins ou comme obstacles dans le cas des rapides, mais plus important, l’adaptation des communautés ancestrales respectives à la vie au long des rivières. Nous proposons d’étudier profondément le répertoire bantu des rivières et nous abordons des thèmes comme la navigation, la pêche et la préparation des poissons, mais aussi des valeurs socioculturelles des rivières et de la vie riveraine, le commerce et la géographie des villages et activités aux bords des rivières.

La scène de recherche est la partie orientale du Bassin Congo, plus précisément la région autour de Kisangani jusqu’à Bumba en aval du fleuve Congo et Kindu en amont du Lualaba. Cette région est culturellement très diverse avec des communautés parlant des langues appartenant aux différents sous-groupes bantu et des langues d’autres familles linguistiques, avec des identités ethniques complexes, et souvent spécialisées en stratégies de subsistance complémentaires. Suivant les théories actuelles, la région autour de Kisangani formerait le point final de multiples routes migratoires. Des peuples de différents fonds culturels devraient donc s’adapter aux circonstances environnementales locales. Sans doute, ils ont échangé des techniques et savoirs avantageux. BANTURIVERS examine le peuplement de la partie orientale du Bassin Congo (qui venait quand et d’où ?) et la spécialisation des communautés concernées en techniques et stratégies adaptées à la vie aux bords des rivières.

Références

Livingstone-Smith, A., Cornelissen, E., de Franquen, C., Nikis, N., Mees, F., Tshibamba Mukendi, J., Beeckman, H., Bourland, N. & Hubau, W. 2016. Forests and Rivers: The Archaeology of the North Eastern Congo. Quaternary International.

Vansina, J. 1990. Paths in the Rainforest. Toward a History of Political Tradition in Equatorial Africa. Madison: University of Wisconsin Press.

Wotzka, H.-P. 1995. Studien zur Archäologie des zentralafrikanischen Regenwaldes: Die Keramik des inneren Zaïre-Beckens und ihre Stellung im Kontext der Bantu-Expansion. Africa Praehistorica 6 – Cologne: Heinrich-Barth-Institut.